mardi 30 décembre 2014

III. La transformation de la Bête


A. La Bête, de méchante à gentille

Le graphisme guide les sentiments de l'enfant à deviner où est le bien et le mal ; nous pouvons dire que la Bête a un aspect plus répugnant que malveillant. Malgré ses expressions féroces et son corps imposant, ses traits sont davantage balourds. Ce personnage paraît pataud. Il n'a pas la finesse agile et anguleuse des vrais méchants. Les dessinateurs ont du joué sur les expressions du visage de la Bête pour lui attirer la sympathie des spectateurs, par exemple à l'aide de ses grands yeux bleus.

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Sur cette image, nous pouvons remarquer le premier signe de sympathie de la part de la Bête. Elle est désolé de ne pas avoir laissé le temps à Belle de dire au revoir à son père. Elle éprouve des remords, ce que n'éprouve pas un véritable méchant.

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L'expression de la Bête montre qu'elle éprouve une nouvelle fois des ressentiments envers Belle lorsqu'elle la voit pleurer.
Mais le changement radical du personnage de la Bête se trouve au milieu du film. La Bête accomplit son premier acte héroïque lorsqu'il sauve la vie de Belle, attaqué par une meute de loups. Cette scène est décisive dans son comportement. Elle attire de plus en plus la compassion de la part des spectateurs, et non plus de la crainte, parce qu'elle est malheureuse d'être prisonnière de ce corps hideux. Le personnage se rend ensuite compte qu'il éprouve quelque chose pour Belle. Il fait à la fois des efforts vestimentaires mais aussi des efforts concernant son comportement. Il souhaite alors lui être agréable et se faire apprécier, en lui faisant une surprise ; il lui offre une gigantesque bibliothèque, sachant que sa passion est la lecture. Il essaie ensuite de se discipliner et de devenir quelqu'un de civilisé. Il accorde même à Belle le plaisir de revoir son père à travers son miroir et lorqu'elle voit Maurice mourant, la Bête lui rend sa liberté, bien que la rose est sur le point de faner. Son amour pour Belle le pousse à agir de cette façon, c'est ce qui lui permet de devenir quelqu'un de bien. Il est si malheureux de l'avoir perdu qu'il se laisse tuer par Gaston. Il n'a pas le comportement violent d'un monstre. Il décide ensuite de se défendre et pourrait le tuer s'il le voulait mais n'en a aucune envie lorsqu'il voit la pitié de Gaston dans ses yeux. Il le laisse partir. Le fait que la Bête ne tue pas Gaston constitue un élément essentiel dans le fait que la Bête est bel et bien l'un des héros de l'histoire. A la fin des films de Walt Disney, les méchants sont toujours punis. Mais si la façon de le punir est de mourir, il n'est jamais tué par le héros. Il est éliminé par des éléments extérieurs. Ici, Gaston glisse des murs du château à cause de la pluie et tombe dans le vide. Le méchant disparaît à l'issue de l'action qu'il a lui-même dirigée. Cette accentuation permet aux enfants de voir une grande différence entre le bien et le mal et qu'ils ne soient pas confus.
 
B. La quête du héros
Dans un conte, tout héros est en quête d'un objet de valeur.
  1. L'importance des fées dans les contes
Une fée est le personnage essentiel dans les contes, c'est pourquoi le nom de contes de fées a été donné. Elles sont souvent symbolisées par un objet particulier : la baguette. Sur les vitraux qui défilent au début de l'histoire, nous pouvons voir qu'elle en tient une dans une main et que grâce à elle, elle peut donner un châtiment au prince. Elles sont parfois de bonnes fées ou d'autres fois maléfiques, mais elles ne reviennent jamais sur les sorts qu'elles ont décrétés. Dans le film de Walt Disney, la fée n'est pas présente physiquement. Excepté sur les vitraux où nous pouvons apercevoir son apparence, elle ne fait pas irruption durant l'histoire. Au contraire, dans le contre de Le prince de Beaumont, elle est présente à la fin de l'histoire lorsqu'elle métamorphose la Bête en prince. Elle décide de punir les sœurs de Belle pour leurs agissements envers elle en les transformant en statue de pierre. Mais encore une fois, elle laisse une chance de aux sœurs de se repentir à condition qu'elles reconnaissent leur faute. En effet, que ce soit dans le conte ou dans le film, la fée a puni le prince de ses mauvais agissements tout en lui laissant une chance de se repentir. C'est ce qui est appelé la mise à l'épreuve.
  1. La mise à l'épreuve
Les contes de fées mettent en scène un héros soumis à des épreuves qui constituent l'intrigue. Dans l'histoire de La Belle et la Bête, le prince est changé en « bête monstrueuse » (22) et un sort est jeté sur le château ainsi que sur tous ses occupants. Sa seule façon d'inverser ce sort est de trouver une femme à aimer et qui l'aimera, avant son 21ème anniversaire. La femme constitue alors l'objet de valeur de la Bête. La rose, l'objet symbolique de cette histoire, est présente pour matérialiser le temps qu'il reste à la Bête, avant son 21ème anniversaire. Elle fane au fil des années qui passent et lorsque toutes les pétales seront tombées, il restera coincé dans le corps d'une bête.
Les principaux moteurs des actions des héros sont la peur de la mort et la recherche de l'amour. L'amour n'est atteint qu'après de multiples épreuves. L'obstacle de cette histoire n'est pas d'ordre sociale mais d'ordre physique ; la Bête ne peut obtenir la main d'une femme avec l'apparence qu'il a, mais s'il ne le fait pas, il ne pourra pas retrouver une apparence humaine. Concernant la mort, le sujet n'intervient qu'au moment du dénouement de l'histoire, lorsque Gaston tente de tuer la Bête et que Belle le croit mort. Les Walt Disney sont fondés sur le fait que les héros finissent toujours par être récompensés. En effet, dans cette histoire, Belle tombera amoureuse de la Bête, ce qui métamorphose à nouveau la Bête en jeune prince.
  1. Les thèmes de l'amour et du mariage
La plupart des contes merveilleux mettent en avant le thème de la famille. Elle est présente sous différentes formes, elle peut se construire, se modifier ou se défaire, jusqu'à obtenir une nouvelle organisation à la fin du récit. Dans l'histoire de La Belle et la Bête, la seule famille présente au début de l'histoire est celle de Belle, constituée d'elle-même et de son père. D'ailleurs, Gaston se sert de cet élément pour atteindre Belle et qu'elle accepte de se marier avec lui. Cependant, elle apparaît sous la nouvelle forme d'une construction puisque la fin de cette histoire est une « happy-end » maritale avec l'acquisition immédiate d'un royaume. L'histoire de La Belle et la Bête rentre alors dans un schéma particulier : « les conquérants ou les fondateurs de famille » (23). C'est l'un des schéma les plus courants dans le conte merveilleux. Ici, la Bête qui est le héros, que l'on a découvert adolescent, est passé par un certain nombre d'aventures ou d'épreuves, et, à la fin, il a gagné la main de Belle, qui devient ensuite sa princesse.
La présence des thèmes de la famille, du mariage et de l'amour est bien présente dans beaucoup de contes et dans chaque film de Walt Disney. Ils servent à transmettre aux enfants des aspects de la vie qu'ils ne connaissent pas encore. Ces histoires sont des véritables exemples de la vie de famille, ainsi que la découverte de la sexualité et du passage de la puberté au stade pré-adulte. En effet, dans cette histoire, la Bête est la figure de la sexualité terrifiante et du tabou qu'elle représente pour l'enfant. C'est donc l'acception de la sexualité comme étant normale. Plus généralement, ces thèmes reflètent l'existence humaine et son rapport au temps, par la mise en scène de la vieillesse et de la succession des générations.

C. Les schémas narratifs canoniques

Plusieurs schémas narratifs canoniques se dessinent clairement au fur et à mesure de l'histoire. Se créent alors un enchâssement de ces schémas. Pour commencer, le père de Belle, un premier actant, s'introduit chez la Bête, un deuxième actant, ce qui constitue l'action principale du premier schéma. Maurice est alors le destinataire sujet. Ce qui le pousse à rentrer dans le château est la meute de loups qui est à ses trousses, ainsi que le fait qu'il soit perdu. La Bête décide alors de le sanctionner négativement en l'enfermant dans son cachot. Elle se constitue comme étant le destinateur judicateur. Cependant, Belle, le troisième actant, décide de prendre la place de Maurice afin de pouvoir lui offrir la liberté. Cette sanction devient alors une action dans un nouveau schéma, dont le destinataire sujet est Belle. La sanction qui en découle est positive ; Belle et la Bête tombent amoureux. Cette sanction, se transformant en une nouvelle action, donne lieu à la métamorphose de la Bête en le jeune prince qu'il était avant. La Bête est donc le destinataire de ce nouveau schéma. Le sort est donc annulé selon les indications de la fée ; la Bête devait trouver une femme qui l'aimerait pour ce qu'il est, outre passant son apparence et l'aimer en retour. La fée est donc le destinateur judicateur puisque c'est elle qui avait jeté le sort.
Ces trois schémas montrent les épreuves par lesquels est passé la Bête pour arriver à l'obtention de son objet de valeur : Belle.
 
D. La métamorphose de la Bête

Suite à l'affrontement entre la Bête et Gaston, Belle voit son prince mourir sous ses yeux et finit par lui dire qu'elle l'aime. Au même moment, la dernière pétale de la rose tombe. Des lumières de toutes les couleurs jaillissent du ciel autour de Belle et la Bête. Il est comme soulevé dans l'air et sa transformation physique a lieu ; il retrouve sa véritable apparence humaine.

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La sort a donc été annulé puisque le héros, la Bête, a réussi à obtenir son objet de valeur, Belle. Celle-ci le reconnaît uniquement grâce à ses grands yeux bleus. Dès lors qu'ils s'embrassent, le sort concernant le château et les serviteurs du prince reprennent leur véritable apparence.